Une enquête du Washington Post a révélé que des dizaines de diététiciens influenceurs sur TikTok et Instagram ont été rémunérés par l’industrie agroalimentaire et des boissons pour diffuser de la désinformation concernant la sécurité de l’aspartame, un édulcorant artificiel largement utilisé. Pas mal, si l’on considère qu’un nouvel édulcorant artificiel censé accomplir des miracles sans calories débarque sur le marché tous les deux ans… pour ensuite s’avérer – comme tous les autres – inefficace et truffé d’effets secondaires.
Il est peut-être temps de se réveiller.
Une campagne pour discréditer les alertes de l’OMS
Avec le hashtag #safetyofaspartame, ces influenceurs parmi les plus suivis sur les réseaux sociaux ont tenté de discréditer les avertissements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publiés en juillet 2023, selon lesquels l’aspartame est inefficace pour la perte de poids et potentiellement cancérigène. Beaucoup de ces créateurs de contenu ont prétendu que les alertes de l’OMS étaient du pur “clickbait” (piège à clics) basé sur des données scientifiques de mauvaise qualité.
Cette campagne a atteint plus de 11 millions d’abonnés… et elle continue de croître.
L’aspartame : un édulcorant omniprésent
L’aspartame se retrouve dans une grande variété d’aliments et de boissons, notamment les sodas sans sucre et les produits diététiques. On estime que plus de 6 000 produits industriels alimentaires contiennent de l’aspartame à la place du sucre.
Ce substitut sucré, paradoxalement promu comme un allié minceur, est environ 200 fois plus sucré que le sucre de table. Les entreprises qui le commercialisent ont réussi à faire croire qu’il contient moins de calories, mais cette information est trompeuse : en réalité, l’aspartame fournit environ 4 calories par gramme, exactement comme le sucre et toute autre protéine.
Pourquoi ? Parce que l’aspartame est une protéine simple composée de deux acides aminés courants : l’acide aspartique et la phénylalanine.
L’inquiétude des experts en nutrition
La nutritionniste Rebecca Heald a qualifié d’ »inquiétant » le fait que certains diététiciens répandent de la désinformation sur la sécurité de cet édulcorant artificiel populaire.
« En tant que professionnels responsables de l’information nutritionnelle, les diététiciens devraient baser leurs conseils sur des preuves scientifiques fiables. Malheureusement, cela n’est pas surprenant, car Internet et les réseaux sociaux amplifient souvent des affirmations non vérifiées et sensationnalistes », a-t-elle déclaré.
Cette désinformation pourrait avoir semé la confusion sur les véritables risques sanitaires liés à l’aspartame. Mais alors, ce produit est-il réellement sans danger ?
Les risques potentiels liés à l’aspartame
Qu’en disent les autorités sanitaires et les agences de sécurité alimentaire ?
Elles soutiennent que l’aspartame, consommé en petites quantités, ne devrait pas représenter de danger significatif pour la santé. Toutefois, certains instituts de recherche expriment une position différente.
Dès 1998, plusieurs d’entre eux, comme l’Institut Ramazzini en Italie – un prestigieux centre de recherche indépendant basé à Bologne – ont mis en évidence la potentielle cancérogénicité de l’aspartame chez les rats. C’est ce même institut qui a été parmi les premiers à révéler les dangers de substances comme le chlorure de vinyle, l’amiante ou encore le benzène.
En dépit des assurances officielles, plusieurs éléments méritent d’être pris en compte avant d’incorporer sans réfléchir l’aspartame et d’autres édulcorants artificiels dans son alimentation.
Sensibilités individuelles et effets secondaires
« L’aspartame a subi de nombreux tests rigoureux et est jugé sans danger par des agences comme la FDA et l’EFSA. Cependant, certaines personnes peuvent présenter une sensibilité particulière ou une allergie à l’aspartame, entraînant des effets indésirables », explique Rebecca Heald.
À fortes doses, l’aspartame peut provoquer maux de tête, troubles gastro-intestinaux ou réactions allergiques. Il pourrait également ne pas être l’outil le plus efficace pour contrôler l’appétit ou le poids.
« Certaines recherches suggèrent que les édulcorants artificiels, comme l’aspartame, pourraient perturber les mécanismes naturels de régulation de l’appétit, ce qui peut entraîner une surconsommation d’aliments ou une envie accrue de sucreries riches en calories », poursuit-elle. Cela peut aussi affecter la santé intestinale et favoriser une prise de poids.
Par ailleurs, de nombreuses études ont établi une corrélation entre l’usage régulier d’édulcorants artificiels et une augmentation du risque de diabète, d’obésité et de perturbations du microbiote intestinal, avec des conséquences négatives sur la fonction digestive.
Quelle quantité d’aspartame peut-on consommer sans danger ?
Bien que l’OMS ait officiellement déclaré que l’aspartame « pourrait être cancérogène pour l’humain », cette substance n’est actuellement interdite par aucune autorité sanitaire.
L’EFSA en Europe et la FDA aux États-Unis confirment que, dans les limites de consommation journalière admissibles, l’aspartame n’entraîne pas de risque significatif pour la santé.
Cela semble contradictoire. Si une substance est potentiellement cancérogène, pourquoi autoriser sa présence dans l’alimentation ? Ne vaudrait-il pas mieux l’interdire à titre préventif et ne tolérer que les édulcorants véritablement inoffensifs ?
Le problème, c’est que le secteur des additifs alimentaires fonctionne ainsi depuis toujours : on laisse circuler pendant des décennies des substances douteuses ou reconnues comme toxiques, puis on les interdit lorsque des preuves accablantes finissent par émerger.
C’est ce qui s’est produit avec le dioxyde de titane, un colorant finalement interdit dans l’alimentation dans l’Union européenne en 2021, alors que sa toxicité était connue depuis des années. Mais cette substance, bon marché et largement utilisée dans de nombreux secteurs industriels, était « utile » à l’industrie, ce qui a retardé sa suppression pendant environ 15 ans.
Combien de dégâts cela a-t-il causé ? Impossible à dire : aucune donnée n’est publiée à ce sujet.
Quelle dose ne pas dépasser ?
Selon l’OMS, un adulte pesant 70 kg devrait consommer plus de 10 canettes par jour pour dépasser l’apport journalier acceptable, fixé à 40 mg par kilo de poids corporel. Or, une canette de soda diététique contient entre 200 et 300 mg d’aspartame.
En conclusion
L’affaire des influenceurs rémunérés par l’industrie pour blanchir l’image de l’aspartame – malgré des preuves scientifiques accablantes – nous rappelle à quel point la désinformation peut être insidieuse à l’ère des réseaux sociaux.
Lorsqu’il s’agit de recommandations diététiques, il est essentiel de faire preuve de vigilance et de rigueur dans la vérification des sources.
Utiliser TikTok ou Instagram – des plateformes fréquentées quotidiennement par des millions de jeunes – pour diffuser des messages rassurants sur l’aspartame est une stratégie parfaitement ciblée. Les produits contenant ce type d’édulcorant sont principalement destinés à ce public : chewing-gums, sodas, boissons énergétiques, bonbons, édulcorants en comprimés, etc.