Au cours de votre vie, votre microbiome intestinal va évoluer de manière significative. L’un des changements les plus marquants se produit lorsque vous passez du lait maternel à l’alimentation solide, bébé. Fait intéressant : à l’adolescence, les jeunes filles connaissent une nouvelle transformation de leur microbiome, qui devient plus « adulte », alors que ce changement n’a pas lieu chez les garçons.
Les chercheurs suggèrent que cette différence est probablement due à la présence des hormones sexuelles féminines (notamment les œstrogènes et la progestérone) qui influencent et façonnent le microbiote intestinal tout au long de la vie. C’est pour cette raison que l’on considère aujourd’hui que les microbiotes masculin et féminin suivent des trajectoires très différentes au fil du temps.

Quel est le lien entre l’intestin et l’équilibre hormonal ?
La santé intestinale et l’équilibre hormonal entretiennent une relation bidirectionnelle : chacun influence le fonctionnement de l’autre.
Le microbiote intestinal, cette communauté complexe de micro-organismes logée dans notre tube digestif, joue un rôle central dans cette interaction. Ces microbes métabolisent et produisent des hormones, influençant ainsi directement leur niveau dans l’organisme. Par exemple, certaines bactéries intestinales peuvent métaboliser des hormones et modifier leur concentration dans le sang, impactant divers processus physiologiques.
À l’inverse, les hormones modifient l’environnement intestinal, affectant la motilité (mouvements de l’intestin), la perméabilité de la paroi et la composition microbienne. Un déséquilibre de la flore intestinale a déjà été associé à des perturbations hormonales telles que celles des œstrogènes et du cortisol, pouvant contribuer à des troubles comme les irrégularités menstruelles, les troubles de l’humeur ou encore les dysfonctionnements métaboliques.
Mais le lien ne s’arrête pas là. L’intestin possède également des cellules spécialisées, appelées cellules entéroendocrines, capables de produire diverses hormones et peptides qui régulent l’appétit, le métabolisme et la digestion.
- Par exemple, la libération de peptide YY (PYY) et de GLP-1 après un repas influence la satiété et la sécrétion d’insuline.
- D’autres hormones d’origine intestinale, comme la sérotonine (souvent surnommée « l’hormone du bonheur »), jouent un rôle dans la régulation de l’humeur, mais aussi dans la motricité intestinale.
Quel rôle jouent les hormones sexuelles ?
Comme mentionné, le microbiome intestinal féminin est différent de celui des hommes, en grande partie grâce à l’action des hormones sexuelles. Mais ce lien est réciproque : le microbiote influence lui aussi le niveau des hormones circulantes.
Chez la femme, les principaux œstrogènes circulants (estrone, estriol et estradiol) passent par le foie où ils sont métabolisés. Ils deviennent alors liés à d’autres molécules, ce qui les rend inactifs avant d’être excrétés.
Cependant, certaines bactéries intestinales ont la capacité de « recycler » ces hormones en les libérant de leur forme inactive. Ainsi, elles peuvent retourner dans la circulation sanguine et redevenir actives. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les œstrogènes, mais aussi la progestérone et même certains androgènes comme la testostérone.
On observe donc une relation symbiotique :
- les hormones favorisent la croissance de certaines bactéries spécifiques,
- et ces bactéries, en retour, facilitent la réabsorption des hormones dans le sang.
Un exemple marquant : une étude autrichienne a examiné l’impact de la contraception hormonale sur le microbiote. Chez 16 femmes, la diminution de la production naturelle d’œstrogènes et de progestérone (due à la pilule) a été associée à une baisse de la diversité microbienne. Certaines bonnes bactéries, comme Eubacterium eligens, étaient présentes en moins grand nombre. On a aussi observé que les niveaux bactériens fluctuaient selon les phases du cycle menstruel, confirmant l’impact majeur des hormones sur notre flore intestinale.

Les grandes étapes hormonales de la vie féminine
1. Le cycle menstruel
Le cycle menstruel, marqué par des fluctuations d’œstrogènes et de progestérone, semble influencer le fonctionnement intestinal. Même si les preuves scientifiques restent limitées, on suspecte que les variations hormonales peuvent modifier la sensibilité digestive et la motricité intestinale. Cela peut expliquer les symptômes fréquents comme les ballonnements, les inconforts abdominaux ou encore les changements de transit (constipation, diarrhée).
2. La grossesse
La grossesse est une période où les taux d’hormones augmentent fortement pour soutenir le développement du fœtus. L’élévation progressive de l’œstrogène et de la progestérone, jusqu’au pic du troisième trimestre, peut influencer le transit (parfois constipation, parfois diarrhée).
En parallèle, des changements dans la composition du microbiote intestinal sont observés. Ils semblent liés à la prise de poids maternelle, à des modifications métaboliques et à une adaptation du système immunitaire. Certains chercheurs pensent que ces transformations sont en réalité nécessaires pour assurer une bonne croissance fœtale. D’où l’importance de maintenir une bonne santé intestinale pendant la grossesse, autant pour la mère que pour l’enfant.
3. La ménopause
La ménopause correspond à la chute des niveaux d’œstrogènes et de progestérone, qui devient trop faible pour maintenir le cycle menstruel. Or, ces hormones nourrissaient la diversité bactérienne du microbiote. Leur diminution peut donc contribuer à un appauvrissement de la flore intestinale.
Cela peut se traduire par des ballonnements, des inconforts digestifs, mais aussi par des changements métaboliques et corporels liés à l’âge. Une revue de 2022 (10 études analysées) a confirmé que la ménopause était associée à une diversité microbienne réduite, rapprochant le microbiote féminin de celui des hommes.
Fait intéressant : l’œstrogène influence aussi la sensibilité viscérale, un facteur clé du syndrome de l’intestin irritable (SII). Cela pourrait expliquer pourquoi le SII touche deux fois plus de femmes que d’hommes, mais diminue après la ménopause.

Facteurs de mode de vie et équilibre intestin-hormones
Outre les hormones, plusieurs facteurs de mode de vie jouent un rôle crucial :
- Activité physique régulière : améliore la diversité et la fonction du microbiote.
- Hydratation adéquate : essentielle au transit.
- Sommeil et gestion du stress : le stress chronique et les mauvaises nuits perturbent à la fois hormones et intestin.
- Limiter tabac et alcool : protecteur pour l’équilibre global.
En adoptant de bonnes habitudes, chacun peut renforcer cette relation intestin-hormones.
Comment soutenir sa santé intestinale pendant ces périodes ?
Face aux fluctuations hormonales, il est possible de protéger son microbiote et sa santé digestive :
- Alimentation variée et riche en fibres : viser 30 végétaux différents par semaine (fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes).
- Produits fermentés (yaourt, kéfir, choucroute) : source naturelle de probiotiques.
- Compléments ciblés : si l’alimentation seule ne suffit pas (intolérances, grossesse, restrictions), un complément probiotique de qualité comme peut aider à équilibrer le microbiote.
Le principe clé reste la diversité : plus votre microbiote est varié, plus il est résilient.
Conclusion
Les recherches actuelles suggèrent que le microbiome intestinal et les hormones interagissent de manière bidirectionnelle tout au long de la vie. Les fluctuations hormonales féminines — cycle, grossesse, ménopause — influencent la flore intestinale, et réciproquement.
Même si les études restent limitées, une chose est claire : un microbiote diversifié est gage de santé intestinale et de bien-être global. Miser sur une alimentation riche en fibres et en probiotiques, gérer son stress et, si besoin, se tourner vers une supplémentation adaptée, reste la meilleure stratégie pour traverser ces grandes étapes de la vie féminine en pleine santé.